Une ville à la campagne

Le château de Montmoreau

Le château

Le château de Montmoreau s'élève au sommet d'une colline naturelle qui domine la vallée de la Tude. Dans les siècles d'instabilité et de désordre qui suivirent l'effondrement de la Gaule romaine, l'invasion des Arabes d'Espagne vers 700 et les raids des Vikings en 844 ajoutèrent à l'inquiétude des populations de notre région. Puis la désagrégation de l'empire carolingien entraîna une dispersion des centres de pouvoir d'où allait naître la féodalité. C'est pourquoi les Xe et XIe siècles furent une époque où s'établirent en grand nombre des retranchements ou camps fortifiés, souvent construits sur des « mottes castrales », qui sont à l'origine de beaucoup des « châteaux » d'aujourd'hui.

La colline de Montmoreau offrait en quelque sorte une motte naturelle parfaite pour la construction de ce qui fut sans doute d'abord un simple camp fortifié et devint un château féodal au 11e siècle. Il occupait la plate-forme et était pourvu d'une double enceinte fortifiée. Les deux tours rondes de l'édifice actuel appartenaient au château féodal. De même la chapelle porche, chapelle Notre-Dame, qui se trouvait dans la première enceinte. Mais des fouilles révèleraient sûrement les traces d'autres vestiges.

L'actuel château a été construit sur ce même emplacement au milieu du XVe siècle, peut-être par Guy de Mareuil, seigneur de Montmoreau, Villebois et Mareuil. À l'exception des deux tours féodales, toute la construction est partiellement gothique et partiellement Renaissance. Elle est un témoin parfait de cette période charnière entre un monde qui finissait et un monde qui commençait. Au long des siècles, il semble que les différents seigneurs puis propriétaires du château n'eurent jamais assez d'argent pour ajouter à l'édifice des bâtiments d'époques diverses, comme on peut le voir dans tant d'autres châteaux. Conservé presque intact depuis sa construction, le château de Montmoreau offre donc un patrimoine architectural d'une pureté exceptionnelle. Les rénovations conduites par l'actuel propriétaire visent, en confortant la solidité des bâtiments, à retrouver les aspects originaux sous les quelques modifications intervenues.

Vers l'est, dominant la vallée de la Tude, le château déploie une façade qui a fière allure avec son haut corps de logis flanqué des deux tours féodales rondes et ses toits pentus de tuiles plates d'où émergent les cheminées. Sur le flanc de la tour nord, environ à mi-hauteur, on devine une ancienne porte qui ouvrait sur le chemin de ronde du château. Les pignons gothiques du corps central sont hérissés de crosses végétales de pierre. Leurs bases sont assises sur deux sculptures de « lions intimidants », ouvrant la gueule l’un vers le nord, l’autre vers le sud, et ils sont couronnés par un fleuron. Au nord et au sud, un pavillon s'adosse au pignon. Celui du sud vient de retrouver le toit à trois pans de son origine.

Vers l'ouest, la façade qui regarde le parc, mêle, elle aussi, les époques. Les fenêtres renaissance à meneaux conservent des motifs gothiques civils. La tour hexagonale de l'escalier fait saillie sur la façade. Elle comporte une très belle porte de style gothique flamboyant, à tympan sculpté de nervures prismatiques et de feuillages entrelacés pratiquement effacés par l'érosion du temps. Mais en regardant attentivement, on peut distinguer dans la partie droite un oiseau de profil parmi les feuillages. Peut-être la signature de l'artiste tailleur de pierre. Dans l'angle de cette tour et de la façade, se dresse une échauguette à clocheton pointu en essentes (sorte de bardeaux) de châtaignier dont la base en « cul-de-lampe » est complètement de style Renaissance.

La mode était à l'alchimie et c'est dans ce sens qu'il faut observer les sculptures. Tout d'abord, à la base de la tourelle, un étrange petit personnage accroupi n'est autre que l'alchimiste lui-même. À côté de lui, un tambour, symbole de l'harmonie, et, dans sa main, une lunette astronomique pour percer le mystère et l'apparence des choses et du réel. Ce personnage est un spécimen unique dans la région.
Au-dessus de sa tête, la colonne sculptée représente sa pensée. De bas en haut on trouve :
- deux pommes ou deux cornues symbolisant la pierre philosophale,
- deux personnages symbolisant l'homme et la femme,
- quatre cercles symbolisant les quatre éléments,
- un serpent ailé et un serpent rampant symbolisant l'esprit volatil et l'esprit fixe,
- un figuier et un mélange de feuillages symbolisant l'arbre de vie.
Enfin, tout au sommet, une chauve-souris, emblème de la science et du savoir.

Les travaux de restauration entrepris par l'actuel propriétaire ont d'abord porté sur la charpente et les toitures (classées). Elles menaçaient ruine. La charpente en vaisseau renversé a été entièrement reprise sur les trente mètres de sa longueur. Toutes les toitures ont été refaites selon les techniques anciennes et, à chaque fois que possible, avec les matériaux d'origine. Le travail porte maintenant sur la façade ouest dont les ouvertures ont été plusieurs fois modifiés au cours des siècles. À l'intérieur, la grande salle du rez-de-chaussée, cheminée, dallage, murs et fenêtres sont entièrement restaurés. Un pavement en « cœur de demoiselles » est posé dans la tour et le pavillon sud. Le mur d'une centaine de mètres qui, dès le 15e siècle, délimitait le parc vers le sud, avait disparu ; il ne restait que les fondations. Il est en cours de rétablissement. Quant à la grande allée qui au flanc nord de la colline monte vers le château, elle a retrouvé des tilleuls qui, un jour, auront la taille de ceux que la tempête de 1999 a abattu.
 

La chapelle Notre-dame

La chapelle Notre-Dame faisait partie de la première enceinte du château et n'existe plus aujourd'hui que dans sa partie basse. L'édifice a été classé monument historique en 1952. Située dans l'allée nord de la colline, elle se compose de deux parties bien distinctes appartenant à des époques différentes : la nef porche et la chapelle proprement dite.

On accède à l'édifice par la nef porche. C'est la partie la plus ancienne, elle date de la fin du 10e siècle. Elle comporte deux travées de voûtes plein cintre d'inégales grandeurs parce que l'arc doubleau qui les réunit n'est pas à angle droit. Les murs nord et sud de la travée principale servant de porche sont percés de deux hautes arcades à jour sans fermeture. La travée située à l'ouest ne comporte aucune ouverture. Elle est plus haute que la travée principale, mais moins large et moins longue. Elle forme le narthex de l’édifice cultuel. Vers l'est, une arcade basse donne accès à la chapelle. Dans son orientation nord-sud, cette nef est donc le porche du château et, dans son orientation liturgique traditionnelle ouest-est, elle sert de vestibule à la chapelle.

Le sanctuaire de la chapelle proprement dite date de la fin du 11e siècle. Il est construit sur la plan du saint Sépulcre. Il présente une rotonde romane où rayonnent trois absidioles en cul de four. Elles sont éclairées par des fenêtres cintrées à colonnettes d'ouvertures inégales. Des colonnes libres supportent huit arceaux sur lesquels s'élève la coupole centrale de 5, 85 m de diamètre. Ces colonnes sont ornées de chapiteaux de grande beauté. Dans l'une des absidioles, une piscine baptismale se trouve dans l'évidement du mur : elle rappelle les éviers en pierre des anciennes maisons rurales de la région. Cette chapelle était couverte de fresques aujourd'hui disparues. Elle abrita des reliques offertes à la vénération des pèlerins. On peut également remarquer un curieux bénitier rudimentaire, en forme d'auge.

Ce type d'édifice, offrait aux pèlerins un abri et un lieu de prière accessible jusqu'à ce que le pont-levis soit relevé. Ils trouvaient ainsi un asile dans l'enceinte du château, mais sans pouvoir accéder aux autres édifices.

Photos du carrousel : Jean-Marie Sicard (tous droits réservés)